Bienvenue à Alcatraz ?

Cela faisait un moment que Night était dans sa cellule, en train de compter les rayures qu'il y avait sur le béton qui lui servait de sol dans sa cellule. Avec une rare minutie, il nota la moindre rayure, la moindre boursouflure, la moindre imperfection du sol de sa cellule.

*Bordel, Ni'chéri, ça fait trois heures que t'es là.*

Night posa son doigt sur la rayure, mémorisant le nombre trente-neuf, et soupira audiblement. Raven était irrécupérable. Alors qu'il s'apprêtait à lui répondre, il prit le parti de l'ignorer – ce n'était pas comme si il n'avait fait que ça depuis deux heures et cinquante-sept minutes et quarante-huit secondes – et de continuer son comptage. Il en était où, déjà ? Ah oui, trente-neuf. Alors voyons... Ah, quarante... Poursuivant l'étape la plus existentielle qui soit, à quatre pattes sur le sol de sa cellule, il continua de compter le nombre d'imperfections qui souillaient son lieu de... provision de solitude.

Lorsqu'il eut fini de compter, il en était à soixante-deux. Toujours aussi inexpressif qu'à l'accoutumée, il releva ses yeux tout aussi inexpressifs que son visage vers les murs de sa cellule. Et il se mit à compter les imperfections du mur de gauche en entrant dans sa cellule, tandis que Raven soupira grassement dans le siège mental qu'il partageait avec Night.

*Non mais c'est plus possible, là. Tu les as déjà comptées ce matin putain ! Arrête de faire ça, fais quelque chose de ton cul, bordel. Merde quoi...*
*Surveille ton langage de pustule noyée, nom d'une pluie volcanisée.*
*Tu ne vas pas passer l'après-midi à compter les murs de cette putain de cellule bordel !*
*Ma cellule. Et je refuse de partir sans avoir tout compté.*
*Quoi ta cellule ? T'as l'autre blond aussi, Ni'chéri. Ton coloc'. Il faudrait que tu trouves un moyen de le virer de cette cellule celui-là, parce que franchement il ab-...*
*Va traire les rosiers, Rav'chéri. Ma cellule.*

Et Night se mit donc à compter toutes les imperfections sur les murs en ignorant magistralement Raven, ce qui prit nettement moins de temps que le sol. Étrangemment, n'est-ce pas. Cinq minutes plus tard, le voilà qui s'assit au milieu de sa cellule pour scruter le plafond... et supporter un soupir gras et profond de la part de Raven. Notre Inexpressif se leva alors et sortit de sa cellule. Dans les couloirs, il ne put s'empêcher de compter toutes les imperfections qui se trouvaient sur le béton qu'il foulait de sa démarche silencieuse et féline. Sans savoir là où il allait ( vu qu'il ne regardait pas devant lui, suivez un peu... ), il fut brusquement arrêté en reculant de quelques pas et...

Son regard inexpressif s'ancra dans celui de chaton battu de... Roux. Night resta parfaitement inexpressif, et leva son index et son majeur, le reste de sa main formant un poing, dans le signe de « peace & love » qui lui servait de signe de salut. Hm ? Pourquoi saluait-il ce roux ? Parce qu'il l'avait fait, pardi. Night n'était pas irrespectueux au point de ne pas répondre au salut de quelqu'un. Par contre, sans plus de forme de procès, il se retourna et repartit en sens inverse. Alors qu'il s'engagea dans un virage stratégique vers la droite, il s'arrêta. Attendez, il connaissait ce roux-là...

*Je t'assure que tu ne le connais pas, et moi non plus. Tu veux pas aller compter les imperfections du plafond de l-... ta cellule ? Je suis sûr que c'est très constructif comme activité, tout compte fait.*
*... Bah dis donc, t'as retourné combien de vestes en trois phrases, Rav'chéri ?*
*Je dirais cinq ou six vestes et... Hey, tu m'écoutes Ni'chéri ?*

Night se retourna pour voir ledit roux se casser magistralement la tronche au sol. Ou plutôt, glisser vers le sol vu la vitesse qu'il avait accumulé en courant. Toujours aussi inexpressif, notre Roux s'accroupit en prenant la main qui lui faisait coucou entre ses doigts, et s'appliqua à lisser tous les plis présents sur cette combinaison. Il était absolument hors de question qu'un seul pli soit présent sur Lana. Quand il entendit Raven siffler de jalousie mentalement, Night rectifia sa pensée. C'était exclu qu'un seul pli se trouve sur son Lana. Au sifflement de jalousie du Corbeau se rajouta un hurlement strident de possession et un grognement d'irritation. Le tout mentalement, bien évidemment. Et le tout lui refila un mal de crâne, ... évidemment.

*Ni'chéri, va compter les imperfections du plafond de ta cellule. Je suis sûr que c'est plus constructif. Et d'ailleurs tu-...*
*Rav'chéri ? Va emplumer le coussin de la marâtre de Richard II.*

Malgré les apparences, Night avait écouté tout le monologue de Lanalia, mais ce n'est pas pour autant qu'il répondit. Il finit d'abord de lisser tous les plis de cette combinaison – chaque chose en son temps, très cher. Enseignement de base. –, puis il prit le roux dans ses bras et se releva. Ce n'était pas la peine de compter sur les jambes de ce maladroit chronique, de toutes façons... Notre Inexpressif embrassa le front du maladroit invétéré ( c'est bon, l'idée est passée... ? ) et se mit enfin à parler de son léger ténor inexpressif.

- Coucou Lana...

Il allait continuer de parler, mais il fut violemment ( brusquement, quoi. Mais suivez enfin, un peu de politesse... ) interrompu mentalement par Raven.

*Non, ne parles pas plus, sinon ça va faire un carnage et...*
*Leave me alone, Rav'chéri.*
*Mais c'est Lanalia bordel !*
*... Jaloux, va.*
*Mhm ? Je ne vois pas de qui tu parles.*
*Moi aussi...*
*On dit « moi non plus » quand c'est une phrase négative, Ni'chéri.*
*Va traire les rosiers, Rav'chéri...*

Après ce doux interlude de pensées échangées avec sa Moitié, Night ancra son regard dans celui de Lanalia, toujours aussi inexpressif qu'à l'accoutumée. Comment ça, ces deux-là se connaissaient ? Oui. Mais si le roux continuait à avoir un débit de paroles aussi intensif, notre Roux allait continuer d'être inexpressif, voire même encore plus qu'à l'accoutumée. Il regarda devant lui et recommença à marcher de sa démarche silencieuse et féline, comme si le poids d'un Lana dans ses bras ne le dérangeait pas – ce qui était totalement vrai – mais il s'arrêta en douceur. Night n'avait toujours pas lâché la main de Lanalia.

- Tu peux demander à te faire tatouer minou-minou sur le dos de la main, tu sais. Ce serait classe. Et ils ne connaissent pas les marshmallows dans le coin., dit-il inexpressivement, tandis que Raven lui disait de la fermer. Ah, tiens... Je vais bien, et Raven aussi va bien. Et toi ? Oh d'ailleurs... Le orange te va bien, tu sais... ?

...
.....
........

*Putain Ni'chéri, mais tais-toi. Tais-toi où il va nous bombarder. Et rectifies de suite ce que tu as dit.*
* Hm... ? Quoi donc, Rav'chéri ?*
*J'ALLAIS BIEN JUSQU'À CE QUE CE MOULIN À PAROLES COMPLÈTEMENT ABRUTI SE RAMEUTE DEVANT NOUS PUTAIN !*
*Va emplumer la lune jusqu'à être d'humeur potable, Rav'chéri.*

Night pencha sa tête du côté gauche, toujours aussi inexpressif, ce qui montrait qu'il était agacé. En l'occurence, il était agacé à l'égard de Raven qui agissait, une fois de plus, comme une mère poule couveuse, pleine de jalousie et de possession pour un oeuf ( qui n'en était pas un ) qui ne lui appartenait pas. ... Pas autant.

- Tu veux aller quelque part, chaton... ?, demanda-t-il à l'adresse de Lanalia.

Et voilà. Night venait de cramer son quota de paroles pour... au moins les trente prochaines minutes. Il se mit à marcher à faible allure, et releva la tête pour voir où il allait, histoire de pouvoir bifurquer selon ce que lui disait Lanalia. Machinalement, il se mit à compter les imperfections sur les murs qui l'entouraient.

Code de Frosty Blue de Never Utopia

Night restait parfaitement inexpressif, plus encore lorsqu'il décida de prendre Lanalia dans ses bras pour une raison des plus évidentes. Quoi qu'il se passait, à partir du moment où une partie du corps du roux rencontrait une surface plus ou moins lisse ( évitons de parler du moins, parce que là, la situation serait... apocalyptique ), c'était la catastrophe assurée. Et tant qu'à être près de lui, autant qu'il soit dans ses bras. Évidemment, un cri strident lui cassa mentalement les oreilles ( vu que le cri était mental, suivez quoi... ). Raven était jaloux et possessif jusques aux os, et il avait bien l'intention de refiler une migraine à notre Roux pour le lui faire comprendre. Night ne tiqua absolument pas, sachant très bien que son amant allait réagir ainsi. Par contre... Le gratouillage de joue de l'excentrique... Là il tiqua.

Il pencha sa tête du côté droit, seule manière de savoir qu'il était amusé au vu de son inexpression chronique et impénétrable. Quand sa princesse – parce que Night a toujours considéré Lana comme une princesse, ce qui faisait toujours... hurlement mental strident criser Raven... – passa ses bras autour du cou de notre Roux, ce dernier se mit à marcher de sa démarche silencieuse et aérienne. Et, il fallait le dire, il avançait pluôt lentement. Au début. Il accélera ( légèrement, il retrouva sa vitesse normale quoi. Faites au moins semblant de suivre, enfin... ) quand sa princesse serra un peu plus son emprise, sans l'étrangler pour autant. Hm... Tant mieux. Puis, vint un nouveau « coucou » qui fit sourire intérieurement Night, même s'il n'en montra rien.

*... Coucou...*
*Hibou.*
*Coucou hibou...?
*Coucou, coucou...
*...*
*...*
*Ah ouais... Je n'y avais pas pensé à cette chanson-là... Tu gères, mon Ni'chéri.
*En même temps, that was too easy...*
*N'empêche, tu dérailles, mon Ni'chéri.*
*Toi aussi, Rav'chéri.*

Raven interpréta une imitation parfaite du cri quand il s'aperçut que Night n'avait employé aucun adjectif possessif pour le désigner, contrairement à lui. Et bien sûr, notre Roux était parfaitement inexpressif n'est-ce pas... Sans avoir lâché les doigts de Lana, l'Inexpressif de service se mit à parler de sa voix inexpressive – obvious number one, dear –, d'un débit de parole qui lui ressemblait... beaucoup plus.

- Raven te dit « coucou hibou »., lança-t-il inexpressivement tandis que sa princesse faisait « coucou » aux passants ( que Night ignorait royalement, soit dit en passant ).

...
....
......

*HEY ! J'ai jamais dit ça, là !*
*Ça t'apprendra à ne pas aller emplumer le coussin de la marâtre de Richard II quand je te le demande, Rav'chéri.

Et à nouveau, le Corbeau alla grommeler dans son coin, mais se tut pour le coup. Quant à Night, il était très occupé à plonger ses yeux dans le regard triste de Lana. Ah... Il avait dû percuter pour les marshmallows. Toujours aussi inexpressif, le Roux sourit mentalement. Toujours aussi lent, celui-là... Il serra un peu plus les doigts qu'il tenait entre sa main droite ( main qui avait toujours une mitaine noire en cuir – qui ne couvrait pas les doigts, hein, une mitaine avons-nous dit. Au cas où, il vaut mieux préciser... –, comme son homologue d'ailleurs ), sa façon de lui dire qu'il pourrait toujours lui en trouver via le trafic clandestin de la prison. Ou via les gardiens qu'il connaissait, aussi...

Il écouta attentivement le monologue de Lana, même si son inexpression faciale laissait croire l'exact contraire. L'Inexpressif ne répondit rien, cela dit. Il faut quand même rappeler que Night a épuisé son quota de paroles pour, au moins, les trois prochains jours. Ce qui ne voulait pas dire qu'il n'allait plus parler – encore que, avec la très grande majorité de la prison, ça ne changerait pas grand chose –, seulement qu'il allait nettement moins parler qu'avant. Qu'il allait s'amuser à passer pour un muet, vu qu'il avait gentiment demandé à Raven de la fermer et que pour l'instant il l'écoutait. Cela dit... Il parlerait toujours quand les règles du respect l'exigeraient. Bah tiens. Ce n'est pas lui qui allait se montrer irrespectueux. Il était logique lui. Et il fallait bien qu'il le soit, vu que le reste du monde n'était même pas foutu de l'être un minimum...

Quand Lanalia parla de robe, Raven arrêta de boudiner dans son coin ( mais il ne disait toujours rien. Brave petit corbeau... ) et ses pensées furent claires à elles toutes seules. Il ressemblait à un chaton qui faisait semblant de dormir pour montrer qu'il n'était pas content, et qui redressait subitement les oreilles quand il sentait une odeur particulièrement bien aimée et, surtout, intéressante, venir chatouiller ses narines. Quant à Night, il... ne réagit même pas. Que ce soit aux paroles de sa princesse ou à la réaction de son amant. Pour lui, il n'avait absolument pas besoin de réagir, ce n'était qu'une perte de temps. Par contre...

- J'en suis sûr. Pas à la cantine., murmura-t-il en réponse au murmure de Lanalia.

Quand le roux se blottit un peu plus contre lui, Night eut le réflexe de le serrer davantage contre son coeur. Sans l'étouffer le moins du monde, pensez-vous bien, il n'était pas comme ça. Hm ? Si Raven en aurait été capable ? Raven n'aurait pas pris Lanalia dans ses bras, donc la question ne se pose même pas. Pensez-vous bien, il ne prenait que Night dans ses bras. D'ailleurs, Raven aurait laissé un périmètre de sécurité ( de deux mètres de diamètre ), donc... Enfin bref. Notre Roux pencha de nouveau sa tête du côté droit face à la réponse à sa question, tout en restant parfaitement inexpressif bien sûr.

Le fait qu'il secoue les pieds dans le vide ne fit pas tiquer Night, mais Raven se retint fortement de gueuler à l'égard de Lana pour lui dire d'arrêter de gigoter comme un abruti. Ce qu'il ne fit pas, hein, Night lui avait bien dit de se la fermer. D'une manière un peu plus respectueuse que ça, cela allait de soi... Une fois de plus, il écouta le monologue de sa princesse sans montrer qu'il l'écoutait, et il s'arrêta avec douceur. Ce qui contrastait pas mal avec son inexpression, mais là n'était pas le sujet. Pourquoi s'était-il arrêté ? Parce qu'il était en train de se fendre la poire... intérieurement. Son inexpression n'avait pas du tout plié bagages, cela dit. Bref, pourquoi Night riait mentalement aux éclats ?

Parce que Lana avait parlé d'un triton en parlant d'un homme que notre Roux n'aimait pas du tout – et Raven encore moins ( en même temps, Night avait la gâchette du « toi, je ne t'aime pas » très facile... Et Raven encore plus, mais ça... ) –, et même s'il savait que Lana ne pensait pas du tout à une quelconque insulte, cela le faisait rire intérieurement quand même. Quand ledit triton s'approcha d'eux, avec l'air du j'ai-tout-entendu-sale-gosse-tu-vas-payer, Night lui lança le regard de la mort. Un regard inexpressif et chargé de menaces à lui tout seul. Le triton se contenta de grogner en fixant Lana... Qui ne faisait déjà plus attention à lui. Quant à ce que venait de déclarer sa princesse... Impossible qu'il ne réponde pas à ça.

- Moi aussi., dit-il inexpressivement, même si sa voix s'était étrangemment adoucie.

Night desserra son emprise sur Lanalia quand il se mit à s'agiter ( avec douceur ? Il s'agitait quand même, donc... ), justement pour lui dire d'arrêter de s'agiter, à défaut d'arrêter de jouer au con avec lui. Là-dessus il n'avait rien à dire, cela faisait parti de sa princesse ; s'il lui demandait de ne plus être inexpressif, Night en aurait été bien incapable après tout. Bref, après ce doux interlude de pensées qui ne servaient qu'à ressasser quelque chose qu'il savait déjà, le roux arrêta de s'agiter. Notre Roux écouta une fois de plus Lana, sans lui montrer par son inexpression qu'il l'écoutait ( quoique, à force, il avait l'habitude. ... Lui. ), et il sentit brusquement Raven tenter de prendre le dessus. Notre Roux s'arrêta et se cala contre un mur pour se concentrer.

*Rav'chéri. Arrêtes de jouer au Pommier noyé dans une avalanche de lave.*
*Il...*
*Rav'chéri. Arrête ça. De suite, maintenant, à la nanoseconde près.*
*IL M'A CASSÉ LES OREILLES PENDANT SEPT MILLE ANS NEUF CENT QUATRE-VINGTS SIX POUR NE PAS RÉPONDRE À TA QUESTION, ET JUSTE TE LA RENVOYER ?!*
*... C'est Lana, hein...*
*D'OÙ IL TE MONTRE SI PEU DE RESPECT BORDEL ?! ALORS QUE TU TUES À LE SUPPORTER ! MAIS C'EST QUOI CE FOUTAGE DE GUEULE !*
*... Oy.*
*IL M'ÉNEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEERVE ! LÀ IL DÉPASSE LES BO-...*
*... RAVEN !*
*... QUOI ?!*
*VA TRAIRE TES PUTAINS DE ROSIERS ET VA JOUER AU BAC À SABLE APRÈS !*

Ceci pensé, Night s'appliqua copieusement à ignorer Raven. Et voilà, avec tout ça, il avait juste senti Lana se blottir contre lui, vu qu'il n'avait pas fait attention à lui durant un moment – et en plus, il était trop léger pour que son poids ne fasse criser ses bras –, et cela agaça notre Roux intérieurement. Il n'était pas irrespectueux, lui, il était logique, et que ce soit son amant qui le pousse à être illogique... Cela ne passait pas. En voyant les petits yeux de sa princesse, il modifia un peu la position de ses bras, de façon à ce que le roux puisse se reposer plus confortablement. Plongeant ses abysses océaniques dans les cieux de sa princesse, il émit un léger soupir. Raven était... agaçant. Très agaçant. Mais bon, c'était Rav'chéri, mhm...

Finalement, Night se décida à se décaler du mur et ne put s'empêcher de compter le nombre d'imperfections sur lesquelles il s'était adossé. Son inexpression resta entière quand il dénombra quatre imperfections. Humpf... Quatre de trop. Au niveau de son dos, en plus... Il ne put s'empêcher de s'ébrouer légèrement, veillant à serrer Lana un peu plus contre lui pour éviter que la bonne idée de tomber de ses bras l'effleure. Il reprit alors sa marche, ayant à présent une idée en tête sur leur destination. Autant joindre l'utile à l'agréable, n'est-ce pas... ? Il emprunta les escaliers extérieurs en bois, de sa démarche toujours aussi aérienne, fluide et silencieuse ( du moins, autant silencieuse que possible avec certaines marches qui grinçaient d'un léger bruit caractéristique des escaliers en bois ).

Une fois avoir poussé les portes de l'espace zen, il posa sa princesse sur un coussin pour pouvoir faire quelque chose qui le démangeait depuis un long moment ; passer ses mains dans son dos pour enlever la crasse des imperfections du mur. Puis, deuxième chose qui le démangeait, il lissa tous les plis de la combinaison de Lana. Une fois ceci fait, il jeta un regard à ses mitaines, dans un TOC qui ne le quittait jamais, et rassembla plusieurs coussins, une partie contre une fenêtre, reprit le roux dans ses bras, alla s'asseoir sur le fauteuil improvisé et assit Lana sur lui. Une petite migraine lui avertit que Raven essayait de faire son intéressant depuis tout à l'heure, mais il continua de l'ignorer sec. Qu'il apprenne à bien se comporter au lieu de passer son temps à être hystérique pour un demi-sou en carton en braises noires.

- Dors un peu, va., dit-il de toute son inexpression impénétrable à Lanalia.

Night avait tout de même prit le soin de rassembler un tas de coussins autour d'eux, simple manière de dire que Lana pouvait s'installer où il voulait, et qu'il ne prendrait pas mal non plus le fait qu'il ne veuille pas dormir dans ses bras cette fois-ci. En même temps, notre Roux se concentrer à juguler la future migraine qu'il allait se manger de plein fouet. Bah tiens...

Code de Frosty Blue de Never Utopia

Night n'aimait pas les imperfections, il n'aimait vraiment pas ça. Il savait que se focaliser sur ce qu'on aimait ne permettait que d'y penser en boucle, mais que voulez-vous qu'il y fasse ? Rien que l'idée de côtoyer des imperfections le répugnait au plus haut point. Alors si en plus son dos devait en être souillé... Non, ça ne passait pas. Pas.du.tout. Une fois arrivé à l'espace zen, un des rares endroits qu'il savait relativement calme quand personne ne s'amusait à venir pour la plus chaste des raisons, il assit Lanalia sur un coussin. Il appréciait le silence que gardait son amour, même s'il savait très bien qu'il ne durerait pas longtemps. Qu'importe. Night aimait trop le silence pour cracher dessus quand il était là. Il nettoya son dos des imperfections qui l'avaient souillé tantôt, et s'accroupit à hauteur de son roux pour plisser les nombreux plis qui s'étaient déjà reformés sur sa combinaison et son débardeur.

Toujours aussi inexpressif, il regarda ses mitaines noires une fois son devoir accompli et ses yeux se plissèrent quand il y décela un début de pli. Il le lissa conscieusement, retrouvant tout son manque d'expression lorsqu'il alla faire un canapé ( fauteuil, chaise, bref... qu'une question de détails insolites ) de coussins. Reprenant Lanalia dans ses bras, il alla s'affaler dans son fauteuil improvisé, son roux sur les genoux à qui il enserrait la taille de ses deux bras. Il allait remercier Raven de s'être tu jusqu'à maintenant, mais ce dernier jugea bon de laisser échapper un son strident – et mental –, étouffé comme il le pouvait, pour montrer toute sa jalousie du moment. Night soupira et ravala son remerciement, observant le visage gazouillant de Lanalia qui adoucit son inexpression chronique. Il ferma les yeux, embrassa la joue de son roux avant de lui dire de dormir un peu. C'était juste un constat, il savait très bien que, dans cet état, s'il parlait moins c'était qu'il était soit fatigué, soit ennuyé par quelque chose – et qu'il boudinait donc en conséquence, cela se montrait de diverses manières –. Quand les traits de son roux prirent un ton de contrariété, Night pencha sa tête vers lui. ... Des excuses... ?

Le son strident et mental disparut, lentement. Night laissa échapper un long soupir, synonyme d'une profonde respiration, et il caressa du bout des doigts la joue de Lanalia. Il ne disait rien, semblant se murer dans un silence qui était très caractéristique de maux de tête agaçants. Notre Roux détourna la tête et regarda l'étendue d'eau qui le séparait de Frisco par la large fenêtre vitrée. ... C'était une fenêtre vitrée, tout à fait. Il repéra une entaille dans le sens du fil du verre ( tant qu'il se comprend c'est l'essentiel ), et eut une violente envie d'y rémedier tout en sachant pertinemment que c'était vain. Il s'affala un peu plus dans son fauteuil de coussins, et continua de regarder par la fenêtre. Il avait une brusque envie de sauter avec Lanalia pour atteindre l'eau puis la ville, mais il savait qu'il risquait surtout d'y laisser sa peau. Il n'ignorait pas que de violents courants agitaient cette partie de l'océan, ni que le froid mordant risquait de lui donner une violente céphalée. Tant que Lana sortait d'ici et pouvait à nouveau être libre, cela lui allait ; il n'avait vraiment pas envie de laisser évoluer son amant ici. Il ferma brusquement ses paupières, et son inexpression devint impénétrable. Mourir noyé alors qu'il avait Lanalia dans les bras lui fit secouer soudainement ( mais doucement ) la tête.

*Ni'chéri, je sais que tu ne veux pas que je parle, mais... Ne penses pas à des choses pareilles, s'il te plaît.*
*... Plaît-il ?*
*Joue pas au con. Je sais très bien pourquoi tu mates le dehors. Tu n'as pas envie qu'il soit affecté par la prison, tu préférerais qu'il soit dehors, plus ou moins libre de ses mouvements. Te tuer pour réaliser ça ne serait pas du tout une bonne idée, parce que cet idiot serait capable de devenir mélodramatique et de se suicider alors que tu t'es tué pour qu'il soit libre.*
*...Je le sais très bien ça, Rav'chéri. Si t'as rien d'utile à dire, tais-toi.*
*Alors réjouis-toi qu'il soit là. ... Ça fait mal de dire ça nom d'une hirondelle en pluie d'automne... Je veux bien me taire même si tes pensées partent dans tous les sens, si c'est pour penser à te tuer, et je me fiche de la raison soit dit en passant, je hurlerai jusqu'à ce que tu t'énerves et que tu penses à autre chose.*
*Depuis quand tu aimes les fleurs bleues, toi ?*
*Depuis que tu t'amuses à y penser.*

... Humphf. Raven n'avait pas tort, il avait même totalement raison, de cela Night en était parfaitement conscient. Mais tout de même... Le bâillement de Lanalia le fit sortir de ses pensées qui crapahutaient dans tous les sens et qui n'étaient plus du tout sensées d'ailleurs et ses yeux, qui avaient pris un air d'absence, redevinrent aussi inexpressifs que son visage. Il l'observa à son tour, et un léger sourire vint peindre ses lèvres lorsqu'il parla de nouveau. Lui dire quoi... ?

- Que tu devrais dormir... ?, dit-il avec une note aussi légère que gentiment moqueuse, et une voix qui restait paradoxalement inexpressive.

... au lieu de laisser des pensées noires t'envahir... Enfin, comme venait de le faire remarquer Raven avec une rare justesse, vu comment ses pensées avaient vagabondé il n'avait rien à dire là-dessus. Lorsqu'il remarqua enfin que Lana jouait avec une de ses mèches de cheveux, ses deux océans fixèrent les deux saphirs... pendant très peu de temps vu que son roux décida de fermer les yeux. Night soupira légèrement, amusé, penchant sa tête du côté droit pour renforcer l'idée, bien que son visage demeurait inexpressif. Il savait très bien que son amour ne dormait pas, non qu'il soit devin il connaissait juste Lanalia, et il se contenta de caresser avec une douceur qui contrastait terriblement avec son inexpression le front et les cheveux de son roux.

Night fixa une imperfection, qui se trouvait sur le sol à quelques mètres d'eux et qui était stratégiquement à l'opposé de la fenêtre vitrée. Ou peut-être qu'il pensait à la baie vitrée, tout àcompte fait... Bref, encore un détail insolite. Il contemplait donc une imperfection avec l'irrépressible envie d'immoler le bâtard qui a eu l'idée brillante de mal faire son travail sur le sol et les murs de la prison ( il préferait ne pas partir sur le sujet délicat des plafonds ) quand Lanalia brisa ce tableau magnifique en chantonnant une comptine. D'abord inaudiblement, puis en murmurant, puis en chuchotant, puis en parlant d'une voix un peu plus basse que d'habitude. Notre Roux cessa ses caresses pour prendre le menton de son amour entre ses doigts et relever son visage vers le sien afin de croiser ses yeux. Plus exactement, afin que Lana ne puisse pas détourner son regard. Léger détail sans importance. Il savait que quelque chose tracassait son roux, ne savait pas quoi en revanche. Et ce n'était pas un détail sans importance, ça.

Le soupir de Lanalia lui fit fermer les yeux, et il relâcha son menton tandis que son roux s'adonnait à la lourde tâche de chantonner de plus en vite en réduisant le débit sonore. À ce moment-là, Night porta une de ses mains à ses tempes en se rendant compte que son mal de tête n'avait pas bougé, et se muait peu à peu en une douce migraine, délicate souffrance pulsant dans ses artères crânienes et ses pauvres neurones qui s'amusaient à se torturer tout seuls comme des grands. Il se massa lentement la tempe, pencha légèrement sa tête du côté gauche en se disant que le masochisme était le quotidien des migraineux qui n'avaient pourtant pas demandé à aimer souffrir de la sorte. Lorsque Lana se tut, notre Alligator ouvrit doucement les yeux, avec une rare lenteur aussi. Une fois ses paupières parfaitement ouvertes, il put voir le magnifique saut de son amour qui allait atterrir sur ses pieds... si si, il allait... mais avec la face contre le sol.

Le visage encore plus inexpressif qu'à l'accoutumée, il se releva pour mieux se pencher à côté de Lanalia, et lui offrir une adorable pichenette sur le nez, avec toute son inexpression. Il s'attendait bien évidemment à ce que son roux lui fasse part de toute sa frustration, ce qu'il fit sans trop tarder d'ailleurs.

*Parce que sans lui tu serais en train de cramer dans le manteau de notre planète, petiot. ... C'pas possible d'être con à ce point...

- Ta gueule.

Évidemment que Night parlait à Raven, mais quand il se rendit compte qu'il avait pensé à haute voix, sa main gauche, qui avait picheneté Lana, partit explorer les tréfonds de sa nuque. Toujours inexpressif, il soupira quelque peu et embrassa le front de son roux dans un signe qui, il le savait, son amour reconnaîtrait. Le signe du « Raven qui m'a exaspéré, pardon sweetie. » ( de la gêne ? N'importe quoi, vous allez un peu trop loi là. ) ( quoique... ) ( pas tellement loin, en fait ) ( mais chut, faut pas le dire, Night risque de se vexer ), cela faisait un moment qu'il ne l'avait pas appliqué d'ailleurs... Notre Roux soupira encore une fois, légèrement, et laissa sa main battre contre son genou ( il était accroupi, souvenez-vous ). Il restait inexpressif, et ne comptait pas remédier à ça avant un long moment.

- Pardon, Raven dit des conneries.

*Eh ! C'pas des conneries que je déblatère, c'est pas d'ma faute si Lanalia est un putain de maladroit qui cherche des prétextes débiles !*
*T'as lu un dictionnaire récemment, toi... ?*
*Pourquoi Ni'chéri ?*
*Mon Rav'chéri n'utilise jamais le verbe 'déblatérer' et le mot 'débile' dans une même phrase, et il parle vulgairement quand il est jaloux.*
*... I could die happy now.*
*... Okay. Je retiens. Plus jamais je penserai à ma mort quand tu seras dans les parages.*
*Moi aussi je t'aime, Ni'chéri. Promis, je ne dirais plus rien si tu ne m'adresses pas la parole et je n'interviendrais plus non plus. Même si je m'en mordrai les doigts puissance volcan noyé à l'arsenic.*

Night sourit intérieurement, s'assit en seiza à côté de Lanalia et pencha sa tête du côté droit. Il était amusé par le comique de la situation ; il s'était bien dit qu'il arrêterait de parler, et pourtant, avec son amour, il finissait toujours par parler tout le temps au bout d'un moment. Comme s'il se mettait à apprécier le... pas-le-silence. Bref. Il passa sa main dans ses cheveux, regarda ses mitaines dans un TOC qu'il avait acquis dès son plus jeune âge ( et il constata au passage avec un contentement non-visible que le pli avait disparu ), puis il regarda Lanalia de ses deux abysses océaniques inexpressives.

- Tu voulais aller quelque part ?

Code de Frosty Blue de Never Utopia